Ironman de Vichy : interrogations après la suppression de la distance phare
Par Thomas BERTIN
Après onze éditions dans la commune, Vichy accueillait cet été la discipline Ironman, dans un format tronqué. La société organisatrice floridienne a pris la décision, fin 2023, de supprimer la distance de 226 kilomètres. Seule une épreuve de 113 kilomètres est conservée. Retour sur les impacts possibles de cette décision.
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Habituée à voir presque chaque été des triathlètes concourir avec hargne et pugnacité sur 226 kilomètres depuis 2011 (3,8 kilomètres de natation, 182,2 kilomètres de cyclisme et 42,195 kilomètres de course à pied), la « reine des villes d’eaux » a perdu ce rituel en 2024. Orpheline de l’épreuve reine, Vichy n’organise plus que l’épreuve 70.3, également appelé « half » par les pratiquants, soit la moitié du parcours Ironman (113 kilomètres). La ville perd une de ses spécificités, elle était la seule à organiser les deux épreuves labellisées Ironman pendant un même week-end, en Europe.
La rédaction a tenté de contacter Thibault Vellard, directeur d’Ironman France, pour obtenir plus de détails sur cette décision. D’abord ouvert à l’idée de répondre à nos questions, celui-ci n’a pas donné suite à nos sollicitations, malgré plusieurs relances. Dans un entretien accordé à La Montagne en octobre 2023, il évoquait une décision avant tout économique. Après un week-end 2022 réussi avec 4 400 participants, malgré l’annulation de la partie natation pour des raisons sanitaires, les chiffres de l’édition suivante sont plus décevants. En 2023, ils étaient « seulement » 1 900 participants (dont 700 pour les 226 kilomètres).
« Un peu déçus, mais content que le label reste sur Vichy »
Pour Yohann Vincent, entraîneur du Lifetri, club de triathlon vichyssois, cette suppression est tout sauf une surprise. Le champion de France 2008 de triathlon observe « un nombre de participants qui a commencé à se réduire depuis deux ans ». Autre paramètre souvent oublié, participer à un Ironman demande « un gros investissement personnel ». Tout logiquement, des participants s’essaient à l’épreuve « tous les trois, quatre ou cinq ans ». Ajouté au caractère très vallonné de l’Allier, il est « difficile de faire un chrono » sur l’Ironman de Vichy, ce qui n’incite pas nécessairement à la participation des triathlètes en quête d’une grosse performance.
S’il ne s’agit que de cas isolés, certains licenciés du Lifetri « sont partis en Italie ou au Portugal » pour effectuer la distance de 226 kilomètres de l’Ironman, suite à la disparition de la distance reine, indique l’entraîneur.
L’émergence de parcours concurrents à l’Ironman peut expliquer aussi la baisse de participation à Vichy. Certains proposent un cadre de course à faire saliver les mordus de cyclisme. C’est le cas du Ventouxman, compétition fondée en 2015, dont le parcours de cyclisme passe par la mythique ascension du Mont Ventoux, ou bien encore du Triathlon de l’Alpe d’Huez, passant par les légendaires 21 virages, 14 kilomètres sur 1 120 mètres de dénivelé positif.
Finalement, Yohann Vincent préfère retenir le positif de la fin de l’Ironman. Selon lui, elle a permis de proposer cette année « une jolie édition du 70.3 ». Optimiste, il s’attend à une surprise et « de belles idées pour les dix ans de l’Ironman ». Introduite en 2015 à Vichy, la distance 70.3 fêtera sa première décennie d’existence en 2025.
« Le ticket moyen est beaucoup moins important »
Ce n’est pas forcément le domaine auquel le public s’attend : la suppression de l’Ironman dans la commune a durement touché le marché de l’hébergement. Directrice générale de l’hôtel Kyriad, Maïté Almazan Darré a constaté les dégâts sur ses activités cet été. Bilan de cette première édition avec seulement la distance 70.3 ? « Des nuitées moins importantes la semaine de l’Ironman ». La directrice de l’hôtel remarque que sa clientèle de l’événement n’est restée « qu’un jour au lieu de huit jours de réservation » avant la suppression du triathlon à Vichy. À présent, les clients de l’hôtel « viennent au mieu, un ou deux jours » au cours de la période. Elle ajoute que le « half » n’attire plus la clientèle internationale, « seulement des clients français » sont venus séjourner dans son établissement pendant le week-end de l’Ironman.
Régis Fumat, gérant de l’hôtel Trianon, partage la même analyse. Fin août 2024, il observe « moins de clientèle internationale et des réservations moins longues ». Du côté de l’hôtel Midland, on se veut plus alarmiste. Violaine Dezolme, réceptionniste dans l’établissement, avance que lors du week-end du 1er septembre, l’hôtel accusait « une baisse de 20 % du chiffre d’affaires habituel et une faible fréquentation des lieux par une clientèle étrangère ».
Pour l’édition 2025, un hôtelier souhaitant rester anonyme se veut plus alarmiste. L’Ironman 70.3 se déroulera le 24 août prochain. Problème : l’épreuve se déroule sur la même période que les championnats de France d’échecs, qui se tiendront dans la ville du 15 au 24 août, au Palais des Congrès. Il redoute « le chevauchement du calendrier » et la perte de « clients potentiels venus pour participer à l’Ironman », pour lesquels il serait obligé de refuser des réservations, si l’hôtel venait à être complet à cause des championnats d’échecs.
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« La distance complète de l’Ironman, ce n’est pas non plus l’alpha et l’omega. »
Malgré la perte d’attractivité évidente de l’événement, la ville affiche une volonté claire de ne pas faire de l’Ironman son va-tout. Jean-Sébastien Laloy, vice-président de Vichy Communauté, préfère retenir le positif. Il rappelle que l’édition de cette année s’est déroulée « dans de très bonnes conditions ». Ce dernier ajoute que Vichy peut capitaliser sur d’autres événements sportifs d’envergure, en citant « les championnats de France et d’Europe d’athlétisme » qui se sont tenus dans la commune cette année.
Pour autant, l’élu n’est pas fermé à un retour de l’Ironman sur sa longue distance. « Si demain, la société Ironman ou une autre franchise revient nous voir avec une proposition de longue distance, nous sommes tout à fait ouverts à la discussion », conclut le maire de Cusset. La balle est dans le camp des organisateurs.
Thomas Bertin