Épisode 5 – Montée de l’extrême droite : la parole aux Vichyssois
Par Margaux FERRER
Pour clore le premier chapitre de ce dossier consacré à la progression de l’extrême droite dans l’Allier, L’Effervescent est allé à la rencontre des Bourbonnais, en l’occurrence des Vichyssois, pour écouter leurs attentes, leurs craintes et parfois leurs espoirs face à l’avenir et face cette évolution politique.
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À Vichy, les résultats des récentes élections ont été sans équivoque. Aux européennes, la liste du Rassemblement national (RN) a recueilli 28,73 % des voix, un chiffre record pour une ville traditionnellement acquise à la droite classique. Aux législatives, le phénomène a pris de l’ampleur, puisque le candidat RN, Rémy Queney, est passé près de virer en tête au premier tour (37,82% des voix sur la circonscription, contre 40,05% à son rival Les Républicains Nicolas Ray) avant de s’incliner au second (40,93%). Que pensent les habitants de cette montée en puissance ? Que laisse-t-elle présager ? Pour le savoir, nous sommes allés à leur rencontre.
La pérégrination commence avec Pierre. À 72 ans, l’ancien ouvrier, qui habite à Vichy depuis sa jeunesse, assure n’avoir jamais voté pour l’extrême droite. « Mais je comprends pourquoi certains le font », souligne le retraité. « Je vois bien ce qui se passe. Il y a de plus en plus de gens qui se sentent oubliés. Ils ont l’impression que la politique ne répond plus à leurs attentes, analyse Pierre. Les partis traditionnels sont à côté de la plaque. »
Une ville partagée entre inquiétude et résignation
Julien, âgé de 25 ans, rejoint le constat de son aîné. Il se dit préoccupé par la tournure prise par la ville : « Quand j’ai vu les résultats des européennes, j’ai été choqué. Vichy, une ville comme ça, où les gens votent de plus en plus pour l’extrême droite ? Ça me fait peur, sincèrement. J’ai grandi ici, et je n’avais jamais vu ça. »
Cependant, ce sentiment d’inquiétude est loin d’être partagé par tous. Il y a aussi ceux qui, par défaut ou par conviction, choisissent de soutenir ce virage politique. Christine, 58 ans, est une des voix de l’extrême droite à Vichy. Ancienne commerçante, c’est depuis quelques années qu’elle a décidé de rejoindre les rangs du Rassemblement national. « Je suis fatiguée de voir toujours les mêmes promesses, sans résultat. Il n’y a que le Rassemblement national qui dit ce qu’il faut faire pour redresser le pays », affirme-t-elle.
Un électorat de plus en plus fidèle à l’extrême droite
Pour la quinquagénaire, les messages de fermeté sur l’immigration et la sécurité font partie des préoccupations quotidiennes. Dans le quartier où habite Christine, la question de la sécurité est, assure-t-elle, omniprésente. « On ne se sent plus en sécurité chez nous, explique-t-elle. Il y a des cambriolages, des problèmes dans les quartiers. Le RN a le seul programme qui promet de remettre de l’ordre. »
Xavier, quadragénaire, partage le même discours : « Les Français sont fatigués des partis traditionnels. Ils veulent du changement, et ils l’ont trouvé avec Marine Le Pen. » Mais au-delà des préoccupations sécuritaires, c’est aussi un sentiment de rejet qui anime une partie des électeurs d’extrême droite. Ce sentiment d’abandon est partagé par Claire, 45 ans, native de Vichy, en train de promener son chien : « Je n’ai jamais voté pour eux, mais le système est figé, et on ne nous écoute plus. »
La jeunesse et la politique
L’un des éléments les plus frappants des élections de 2024 à Vichy a été la poussée de l’extrême droite parmi les jeunes. Lors des dernières élections législatives, 23 % des Français âgés de 18 à 24 ans ont voté pour des candidats d’extrême droite, un chiffre en forte augmentation par rapport aux précédents scrutins.
Maxime, 20 ans, casquette bleue sur la tête, est étudiant à Vichy. Il explique : « Moi, je penche du côté du RN. J’en ai marre qu’on nous fasse culpabiliser à chaque fois qu’on dit quelque chose de critique sur l’immigration. Et puis, il y a aussi l’économie. Le RN a des propositions pour relancer les petites entreprises. C’est ce dont on a besoin ».
Émilie, 27 ans, ne partage pas totalement cette opinion, mais aspire, elle aussi, au changement. « Je ne suis pas d’accord avec le programme du Rassemblement national, mais ce qui est sûr, c’est que la politique en France ne répond pas aux attentes des jeunes, commente la jeune femme. On vit dans une société où on se sent incompris, et des partis comme celui-là semblent être les seuls à vouloir briser le système. »
Si certains jeunes se laissent séduire par l’extrême droite, d’autres, à l’inverse, craignent la montée en puissance du parti politique et ce qui pourrait se passer si le RN accédait au pouvoir. « Ce n’est pas une solution. L’extrême droite, c’est l’ignorance. C’est la haine de l’autre. J’ai peur pour le futur et pour ce qui pourrait se passer », s’exclame Hugo, un jeune Vichyssois de 19 ans, étudiant à Clermont-Ferrand.
Le rôle des réseaux sociaux
Un thème récurrent s’installe dans les conversations avec les jeunes vichyssois : celui du rôle des réseaux sociaux dans la progression de l’extrême droite. La propagande politique y est omniprésente, et plusieurs d’entre eux affirment avoir été influencés par ces plateformes, dans un sens comme dans l’autre.
Violette, une jeune de 18 ans vêtue d’un manteau rouge, se confie ainsi sur son temps passé sur les écrans à scroller les vidéos sur la politique. « Je vois beaucoup de vidéos sur les réseaux sociaux qui montrent des gens parler de leurs idées, et ça m’interpelle », relate-t-elle, avant d’ajouter : « Le Rassemblement national utilise bien les réseaux sociaux, ils savent comment capter l’attention des jeunes. C’était le cas de Jordan Bardella, durant les européennes. »
Quant à Maxime, il assure qu’Instagram a joué un rôle prépondérant dans sa prise de décision au moment de voter : « J’ai commencé à me renseigner sur la politique avec les réseaux sociaux. Grâce à cela, j’ai pu retrouver mes idées dans le RN, tout était plus clair pour moi. Sur Instagram, j’ai pu m’y retrouver et suivre le parti tout au long des élections. »
Si l’application est jugée d’une grande aide par certains, elle est rejetée par d’autres comme un nid de fausses informations. « À Vichy, je ne suis pas trop l’actualité politique. Mais je m’intéresse quand même aux élections importantes. Je m’informe comme beaucoup de jeunes sur les réseaux sociaux. Mais il y a trop de fausses informations. C’est trompeur », prévient Emma, 22 ans, les sacs de shopping à la main.
Elle finit par ajouter : « Les réseaux sociaux ont une trop grande influence sur les adolescents. Ceux qui n’y connaissent rien en politique votent pour un parti comme le RN, qui veut juste faire de la pub. Les gens ne sont pas intéressés par les idées, ils veulent juste voir Bardella, faire son charmeur. »
Margaux Ferrer