Lyon, la nouvelle capitale du catch en France ?
Par Mehdi DJEBLI
En mai 2024, la World Wrestling Entertainment (WWE) débarque pour la première fois en France avec un événement exceptionnel à Lyon. Ce rendez-vous symbolise le renouveau de l’engouement pour le catch, après son âge d’or entre 2008 et 2012 avec des millions de téléspectateurs devant Catch Attack sur NT1. Portée par des écoles locales dynamiques, Lyon redéfinit aujourd’hui sa place dans l’univers du catch français.
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Le catch, mélange spectaculaire de sport et de théâtre, connaît une nouvelle vague de popularité en France. Après un âge d’or entre 2008 et 2012, quand des shows télévisés comme RAW et SmackDown captivaient des millions de téléspectateurs, la discipline avait vu son engouement décliner. Mais ces dernières années, le catch revient en force, porté par une communauté de fans passionnés, des écoles locales dynamiques, et des événements d’envergure.
Lyon, en particulier, s’est imposée comme la capitale française du catch. En mai 2024, la ville a accueilli un show majeur du principal organisateur américain d’événements liés au catch, la World Wrestling Entertainment (WWE). Une première sur le territoire français, qui a rassemblé 11 600 personnes à la LDLC Arena. Ce succès témoigne d’un véritable renouveau pour le catch dans l’Hexagone, et place Lyon au cœur de cette dynamique.
Lyon, une ville évidente pour le catch
Pour Audrey, dite « Virago », administratrice de l’association Brawl Spirit Wrestling (BSW), choisir Lyon comme base était une décision naturelle. « Lyon, c’est une grande ville, très bien desservie et au centre des principaux axes de transport. C’est une ville dynamique, ouverte à l’insolite, aux festivals et au sport. En plus, la région Auvergne-Rhône-Alpes avait peu d’offres en termes de catch, ce qui nous donnait un espace à occuper. » Avec son partenaire Raphaël, elle a su tisser des liens avec des acteurs locaux comme le Rock’n’Eat, une salle de concerts lyonnaise qui a accueilli leurs premiers shows intitulés Primal. Ces spectacles, joués à guichets fermés, ont permis à BSW de fidéliser un public tout en explorant des lieux plus grands lorsque les opportunités se présentaient.
Ces propos confirment l’expérience de Léo Gonzo, un catcheur de 30 ans ayant commencé à l’AYA, une autre association de catch lyonnais, en 2021. Originaire de la Sarthe, il explique pourquoi la capitale des Gaules a été déterminante dans son parcours « Quand je suis arrivé à Lyon, je me suis dit que c’était peut-être l’occasion de réaliser mon rêve d’adolescent, relate le catcheur. À l’époque, il n’y avait qu’une seule école, AYA. J’ai tenté ma chance, et à la fin de ma première journée d’essai, je savais que je voulais continuer. C’était un vrai coup de cœur. » Léo Gonzo, qui a quitté son travail en 2023 pour se consacrer pleinement au catch, est aujourd’hui un exemple de persévérance. « J’ai pris une année sabbatique pour me dédier à cette discipline, m’entraîner partout en France et participer à des galas. Cette décision a été un tournant pour moi. »
Parmi les spectateurs conquis par ce renouveau du catch, Mathieu, 27 ans, amateur de catch depuis l’enfance, témoigne : « J’ai découvert le catch à la télé, avec la WWE, comme beaucoup. Mais je ne pensais pas qu’il y avait autant d’événements locaux. Les shows à Lyon, comme ceux de BSW, sont vraiment impressionnants. Ils recréent cette ambiance spectaculaire qu’on voit à la télé, mais en version plus intime. » Selon Mathieu, l’aspect théâtral et interactif du catch est ce qui fait son charme : « Il y a cette énergie unique, où le public joue presque un rôle dans le spectacle. On rit, on siffle, on crie. C’est addictif. »
Les défis d’un sport encore méconnu
Malgré cette montée en puissance, le catch, en France, reste confronté à des obstacles. Audrey souligne deux freins majeurs : le financement et les infrastructures. « Trouver un lieu pour s’entraîner ou organiser des shows est compliqué. Il faut une grande surface, une hauteur sous plafond suffisante et des équipements coûteux, souvent financés par les bénévoles et passionnés, explique-t-elle. Nous avons par exemple choisi un ring plus petit et, à l’avenir, nous envisageons une version plus basse pour s’adapter à des salles urbaines. » Le manque d’investisseurs est un autre problème, pointe-t-elle : « Les vrais investisseurs du catch sont les passionnés. Ce sont les promoteurs et leurs équipes, qui donnent de leur temps, de leur argent et énormément d’efforts en bénévolat pour rendre ces événements possibles. »
Le regain d’intérêt pour le catch s’explique aussi par sa visibilité accrue sur les réseaux sociaux et des initiatives comme le Z Event, un événement caritatif organisé par des streamers qui a mis en lumière un combat de catch après avoir franchi un seuil de dons. « Avant, beaucoup voyaient le catch comme un truc purement américain, quelque chose pour les enfants, » explique Audrey. « Aujourd’hui, grâce à Internet, les passions sont plus libres. Les anciens fans, qui ont grandi, invitent leurs proches, et il y a beaucoup de curieux en quête de nouveaux divertissements. » Ce travail de démocratisation passe aussi par une nouvelle dynamique collaborative : « Travailler avec les autres était une des premières choses qu’on a mises en place. Avant, tout le monde se voyait comme des concurrents, mais en réalité, les spectateurs veulent juste voir des shows de catch près de chez eux. »
Si le succès de la WWE à Lyon, en mai dernier, a attiré l’attention sur la discipline, l’impact reste limité aux cercles de fans. Selon Léo Gonzo, « Backlash a marqué les esprits, mais je ne sais pas si cela suffira à recréer un phénomène comme à l’époque de Catch Attack [durant l’âge d’or, entre 2008 et 2012, ndlr]. Il faudra du temps et peut-être de nouvelles initiatives comme l’arrivée de la WWE sur Netflix. »
Un engouement marqué par des tensions
Cependant, cet essor du catch à Lyon n’est pas sans controverse. Stéphane Noguès, ancien propriétaire de l’école de catch AYA, a récemment publié une vidéo intitulée « J’ai tout perdu – Analyse d’une chute » sur sa chaîne YouTube. Il y partage son ressenti sur l’échec de son école, tout en critiquant les nouvelles structures lyonnaises. « J’ai décidé, à tort, que Lyon c’était mon territoire, par égo », confie-t-il dans la vidéo. Pour Stéphane, l’un des tournants décisifs a été l’abaissement des prix des cours par les nouvelles associations : « Ils ont pété le business en abaissant les prix à des niveaux ridicules. Je me suis aligné, mais c’était une connerie. J’ai cassé mon propre business en faisant cela. » Il ne manque pas de lancer une pique à ses successeurs : « Moi, j’avais beaucoup plus de frais… parce que je déclare aussi », dit-il en riant.
L’ancien gérant regrette également de ne pas avoir cherché à collaborer avec les autres acteurs du catch local : « J’ai mis toute mon énergie dans une course au territoire, alors qu’il y a de la place pour tout le monde. Je me suis braqué plutôt que de chercher à collaborer », analyse-t-il. Malgré la fin de son aventure, Stéphane reste critique envers les priorités du public : « À Lyon, la WWE fait un show, et des gens dépensent 500, 1 000, voire 1 700 euros pour deux jours de divertissement. Avec cette somme, tu pourrais te payer une belle formation au Canada et peut-être décrocher une opportunité pour catcher à la TNA. La crise a bon dos. »
Mehdi Djebli