Épisode 2 – Vichy, la ville devenue capitale de la Collaboration

Par Enzo AMIRAULT

Le 10 juillet 1940 à l’Opéra de Vichy, les pleins pouvoirs constituants sont donnés au maréchal Pétain à l’issue d’un vote. C’est le début du Régime de Vichy, dont le souvenir est irrémédiablement associé à la Collaboration et à la déportation des juifs, qui s’achèvera quatre ans plus tard avec la Libération. Mais pour quelles raisons la ville de Vichy a-t-elle était choisi pour être la capitale de la zone libre ?

Pierre Laval sort de l'Opéra de Vichy, le 10 juillet 1940.
Pierre Laval sort de l’Opéra de Vichy, le 10 juillet 1940. Crédit : D. R.

« Ah ! Vichy, voilà une ville comme je les aime ! »[1] s’exclame le Maréchal Pétain lors d’une balade en décapotable dans les rues de Vichy, au début des années 1940. Après la défaite française face à l’armée du troisième Reich, Philippe Pétain s’exprime le 17 juin 1940, pour annoncer la cessation des combats. L’armistice sera signé quelques jours plus tard, le 22 juin. Le gouvernement de la zone libre française élira domicile à Vichy le mois suivant. Mais le chef d’État a-t-il choisi cette ville uniquement parce qu’il la trouvait à son goût ?

Vichy, une ville aisée et des infrastructures adaptées

La reine des villes d’eaux présente en fait plusieurs avantages, que Philippe Pétain va prendre en compte pour la choisir. D’ailleurs, ce n’est pas le maréchal qui est à l’instigation de ce choix. Ce sont Paul Baudouin, ministre des Affaires étrangères en 1940, et Raphael Alibert, sous-secrétaire d’État, qui lui en font la proposition.

D’abord, une bonne partie de la population de Vichy n’est pas permanente, elle est composée notamment de curistes qui ne sont installés dans la cité bourbonnaise qu’une partie de l’année. La ville accueille en outre une population aisée, n’est pas industrialisée et donc compte peu d’ouvriers. Le gouvernement de Pétain ne risque pas d’y faire face à des manifestations populaires.

D’un point de vue logistique, également, Vichy coche les bonnes cases. Comme l’explique l’historienne Michèle Cointet dans son ouvrage Vichy Capitale 1940-1944, publié en 1993, « le principal avantage était le grand nombre de palaces aptes à accueillir les ministères, et la ville avait l’habitude de recevoir des hommes politiques ». Effectivement, le dernier hôtel construit, l’Hôtel des Postes, n’a ouvert ses portes que cinq ans plus tôt, en 1935 – il est flambant neuf pour accueillir les membres du gouvernement collaborationniste. L’hôtel du Parc, l’hôtel de la Paix, le Thermal Palace et d’autres établissements deviendront eux aussi les sièges de différents ministères.

La liaison ferroviaire avec Paris est un autre argument plaidant en faveur de Vichy, le trajet entre l’ancienne et la nouvelle capitale de la France pouvant s’accomplir en seulement quatre heures en été. La proximité avec la ville de Moulins, en zone occupée, permet en outre des liaisons faciles entre les deux zones.

Pourquoi ne pas se tourner vers une ville plus grande ?

Clermont-Ferrand, Lyon, Toulouse, Marseille… Le gouvernement de Pétain n’aurait-il malgré tout pas eu intérêt à s’installer dans une de ces grandes villes de la zone libre plutôt qu’à Vichy ? Du côté de Clermont Ferrand, la logistique fait défaut, notamment au niveau de l’hébergement. La ville compte en effet peu de grands hôtels. Autre inconvénient : la présence des usines Michelin. « Elle était peuplée de nombreux ouvriers dont on redoutait les manifestations ultérieures préjudiciables à une action gouvernementale », indique Michèle Cointet.

Lyon, pour sa part, fait peur au ministre de l’Intérieur de l’époque, justement en raison de son importante population. Autre mauvais point, le maire de Lyon, Édouard Herriot, un des leaders du Cartel des gauches, dans les années 1920. Impossible pour le maréchal Pétain de s’installer dans une ville dirigée par cet homme, le chef d’État s’y refuse catégoriquement.

À Toulouse, outre la faiblesse de la ressource en logements, ce sont les réfugiés républicains espagnols de la guerre civile qui font peur au gouvernement de Pétain. Quant à Marseille, elle a mauvaise réputation depuis l’assassinat dans ses murs du roi Alexandre de Yougoslavie, en 1934, et l’incendie des Nouvelles Galeries quatre ans plus tard. Reste donc Vichy, au grand dam de ses habitants actuels, qui aimeraient avoir un héritage historique moins lourd à porter.

Enzo Amirault


[1] Michèle Cointet, Vichy Capitale 1940-1944, Vérités et Légendes, Perrin, 1997