Épisode 3 – Sophia Polis, la micro-société enracinée du Bourbonnais

Par Romain BALME

Créée à Cressanges (Allier) en 2019, l’association Sophia Polis œuvre à former des mentalités « enracinées ». Entre religion, valeurs identitaires, et rapports avec les médias, zoom sur un groupe qui ne cesse de s’étendre.

Avec Savoir et Bâtir comme leitmotiv, Sophia Polis s’installe petit à petit dans le paysage bourbonnais. L’association, créée en 2019 par quatre amis, est présidée depuis sa création par Guillaume Poliste, 22 ans. Sa démarche principale est simple : construire une communauté « enracinée », terminologie récurrente dans l’idéologie d’extrême droite, renvoyant tant aux racines qu’à la race.


Le logo de Sophia Polis symbolise les valeurs prônées par l’association, savoir et bâtir. Crédit : D. R.

Les modalités, elles, sont diverses. Tout d’abord, spirituellement, l’ambition est d’élever les âmes des catholiques, pour le bénéfice du collectif autant que de l’individu. Ensuite, moralement, le groupe entend instiller un rejet chez ses membres des mœurs perverses et de « la médiocrité de notre société », pour citer les mots de son président lors d’une interview sur TVLibertés, chaîne identitaire, le 6 juillet 2023. Pour finir, cet enracinement est également voulu au niveau culturel à travers la reproduction de savoirs-faires et traditions ancestrales, comme la construction de murs maçonnés à la chaux.

Plus concrètement, Sophia Polis propose à ses adhérents des universités d’été, d’automne et d’hiver, à son siège social de Cressanges, dans le centre de l’Allier. L’association donne aussi des conférences sur des sujets divers, allant de l’histoire à l’économie ou même l’écologie, dans de grandes villes de France telles que Lyon, Paris, Dijon, ou encore Clermont-Ferrand. Des visites à thèmes comme celle des traboules de Lyon sont également données dans ces lieux dans le but de favoriser la cohésion entre les membres de la communauté. Enfin, Sophia Polis encourage ses membres à participer à des évènements partenaires, à l’image du pèlerinage annuel de Chartres, une marche étiquetée catholique traditionnaliste.

La religion comme point central de l’idéologie

Sophia Polis ne s’en cache pas, la construction d’une société meilleure passe par une proximité avec la religion catholique, et cela se remarque dès la première phrase sur leur site internet : « Nous voulons […] être chrétiens dans un monde qui ne l’est plus. »

Et comment mieux montrer sa foi qu’en se plaçant sous la protection d’un saint, ici Saint Benoit. Saint Benoit pour deux raisons : « Son influence idéologique et intellectuelle sur le monarchisme, ainsi que son contexte de vie puisque Saint Benoit propose un mode de vie adapté à la reconstruction de l’Occident, à travers deux vertus que nous voulons pratiquer, le travail et la prière », explique sur TVLibertés Guillaume Poliste, qui n’a pas donné suite aux demandes d’entretien transmises par L’Effervescent.

Cette présence prépondérante de la religion se traduit également durant les universités d’été par la présence continue de trois prêtres qui conseillent les adhérents, catholiques ou non.

Les Universités d’été, s’immerger dans le quotidien d’un enraciné

Une université d’été de Sophia Polis, c’est une semaine bien chargée, avec des activités diverses et variées, et un seul but : établir une morale commune à tous.

Lundi, 7 h 30. À l’aube, les participants quittent leurs dortoirs et se rendent à la messe, « on commence la journée avec des grâces (rires) », clame Guillaume Poliste. Après avoir utilisé leurs mains pour prier, il est temps de créer, de reproduire des savoir-faire ancestraux au cours d’atelier de travaux manuels. Au menu, vidage de volailles. Une activité qui développe l’autonomie culinaire, mais aussi la culture du localisme pour faire face aux variables économiques mondiales telle que l’inflation.

S’ensuit une pause déjeuner bien méritée, avant de reprendre l’après-midi avec deux conférences tenues par des invités décrits comme « attachés à la France, à notre culture, à notre terroir » par Guillaume Poliste, le président. On retrouve notamment l’ancien conseiller régional d’Ile de France Jean-Yves le Gallou (Rassemblement national), ou François Bousquet, défini comme un « point de jonction » entre divers courants de l’extrême droite tels que le lepénisme, la mouvance identitaire, l’extrême droite royaliste ou l’extrême droite catholique traditionaliste. Les disciplines qui y sont enseignées sont variées, afin de proposer un bagage culturel fondamental à la compréhension du monde.

Ensuite, retour à l’église pour une oraison destinée à approfondir la foi et l’enracinement des participants. Cependant, la journée n’est pas finie, il reste une dernière conférence avant d’enfin se détendre autour d’un diner convivial, et d’une soirée traditionnelle bourbonnaise, où le cochon à la broche préparé au préalable par les participants trônera en guise de récompense.

Une convergence visible avec l’extrême droite

L’essentiel de ces activités sont réalisées dans un seul but, établir un paradigme commun à tous, l’enracinement. Sa réalisation passe également par une compréhension théorique des maux contemporains de la société , inculquée par des psychiatres invités pour disserter sur l’impact psychiatrique sur les citoyens des « mœurs dévergondées de notre société », comme le qualifie Guillaume Poliste sur TVLibertés.

« Il y a encore des communautés qui résistent et c’est une bonne chose ». Tels sont les mots choisis par l’intervieweur Martial Bild, pour clôturer son entretien avec Guillaume Poliste sur TVLibertés. Le présentateur, par ailleurs ancien cadre du FN, témoigne de son soutien à l’association et aux valeurs qu’elle prône. L’intéressé annonce d’ailleurs avoir déjà assisté à l’une des universités d’été.

Une connivence beaucoup trop visible entre le média, classé à l’extrême droite, et l’association. L’entretien tourne au spot de campagne, d’autant que Guillaume Poliste y dévoile des ambitions pour l’avenir sur la scène politique locale. « C’est le devoir de tout jeune Français qui est amoureux de son pays », avance-t-il.

Romain Balme