Épisode 1 – Jorys Bovet : un député un peu trop discret ?

Par Clémence RAOULT

Élu en 2022, puis réélu en 2024, Jorys Bovet est le seul député du Rassemblement national en Auvergne. Représentant de la 2e circonscription de l’Allier, celle de Montluçon, il est considéré comme l’une des figures les plus discrètes du parti d’extrême droite, aussi bien sur son territoire que dans l’hémicycle, ce qui ne manque pas de faire réagir ses opposants.

On peut voir sur cette photo le député RN de la 2e circonscription de l’Allier, Jorys Bovet
Jorys Bovet est le député RN de la 2e circonscription de l’Allier. Crédit : D.R.

À en croire les cadres du Rassemblement national (RN), Jorys Bovet, l’unique député du parti d’extrême droite à avoir été élu en Auvergne, dès 2022, puis réélu en 2024, serait un bourreau de travail. « Quelqu’un de simple, d’accessible et d’engagé sur son territoire », assure son compère Benoît Auguste, conseiller RN à la région Auvergne-Rhône-Alpes, soulignant à quel point l’élu est « actif pour défendre sa circonscription et les habitants de Montluçon. »

Pourtant, d’autres sons de cloche, passablement discordants, se font entendre. « C’est quelqu’un qui se caractérise par son inexistence, le fait qu’il ne prenne jamais la parole », lâche ainsi Louise Héritier, candidate malheureuse, à deux reprises, de La France Insoumise (LFI) face au chef de file RN, sur la 2e circonscription de l’Allier (Montluçon). Alors, qui dit le vrai ?

Âgé de 31 ans, père de famille, Jorys Bovet est encarté au RN depuis 2020. Le jeune député, anciennement chauffeur-livreur dans le transport de marchandises, revendique ses origines populaires. « Je suis dans le vrai monde. Je travaille depuis que j’ai 16 ans. Je connais la vie de monsieur et madame tout le monde. Et je vois que depuis plusieurs années, le pouvoir d’achat se détériore, tout le monde est taxé, les gens en ont assez… Cela m’a motivé pour me présenter », exprimait-il dans une interview accordée au journal La Montagne en juin 2022, lors de sa campagne électorale. Il y espérait, d’ailleurs, « pouvoir devenir un député de terrain, très souvent disponible et très présent ».

Une discrétion qui ne passe pas

En réalité, depuis son élection, Jorys Bovet, qui n’a pas donné suite aux demandes d’entretien transmises par L’Effervescent, est un député qui se caractérise par sa discrétion, aussi bien à l’Assemblée nationale que dans sa circonscription, où il ne réside d’ailleurs pas. Une attitude qui lui est reprochée par ses opposants, ainsi que par certains médias de gauche.

« Pendant la campagne de 2022, je ne l’ai jamais rencontré, ni vu tracter. Pourtant, lors des campagnes, les candidats se rencontrent puisqu’ils tractent aux mêmes endroits. Je ne l’ai vu qu’une seule fois, sur un marché, lors de la campagne de 2024, souligne Louise Héritier. La militante LFI n’en reste pas là : « Il ne s’est même pas présenté aux débats télévisés entre les candidats de France 3 Régions en 2022 et en 2024. Et puis, il n’habite même pas dans la circonscription ». 

En juin 2024, le blogueur Simon Rötig, auteur de billets publiés dans le Club de Mediapart, écrit, lorsqu’il dresse le bilan du 1er mandat du candidat : « Pendant ces deux années, je n’ai par ailleurs retrouvé la trace que de trois entretiens : deux à la radio locale RJFM (NDLR : en juin 2022 et en juin 2024), et un seul au quotidien régional en décembre 2022. »

À ces critiques, Jorys Bovet offre la réponse suivante, sur les ondes de RJFM, en juin 2024 : « Je l’ai toujours dit, je n’ai pas besoin d’être devant les caméras, d’être accompagné, de faire du bruit ou autre pour avancer et faire avancer les choses. Je suis une personne relativement discrète donc je reste telle quelle. Mais cela ne m’empêche pas d’être bel et bien présent à Montluçon et pas que. »

« J’ai rendu service, j’ai fait mon devoir auprès de beaucoup de monde, que ce soit au nord de la circonscription ou au sud. Il y avait Montluçon, mais d’autres petites communes également, donc j’ai essayé d’être au maximum partout et d’honorer au mieux ma fonction », affirme encore le député.

Quant au lieu de sa résidence, il s’en justifiera dans les colonnes de La Montagne à la même période. « Pas besoin d’habiter la circonscription pour représenter ses habitants, estime alors celui qui a choisi de continuer à vivre dans l’agglomération vichyssoise. J’ai été à toutes les cérémonies, même celles où on me menaçait si je venais. »

Actif sur les réseaux sociaux, absent dans l’hémicycle ?

On reproche également à Jorys Bovet son manque de travail parlementaire. Si l’on en croit les données du site NosDéputés.fr, Jorys Bovet « fait partie des 150 parlementaires les moins actifs dans l’hémicycle »,comme le signale Libération en juin 2024. En effet, on ne recense à son actif aucun rapport parlementaire et aucune proposition de loi. Sa dernière question orale au gouvernement remonte à juin 2023 et il est l’auteur de seulement 27 interventions de plus de 20 mots dans l’hémicycle.

Des éléments que le blogueur Simon Rötig reprendra dans son bilan, mais qui font aussi réagir l’opposition. « Le total de son travail depuis 2022 tient en 15 minutes. Il fait partie des députés les moins présents. La plupart des votes, il est écrit comme « absent le jour du vote ». C’est vraiment aberrant », déplore Louise Héritier.

En revanche, sur les réseaux, on relève une activité presque quotidienne du député et une alimentation de son compte X assez régulière. Généralement, il reposte les contenus publiés sur les comptes de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. Il prend soin de rendre compte des cérémonies officielles auxquelles il prend part, notamment celles en mémoire de la Seconde Guerre mondiale, de la Résistance et de l’Occupation.

Aussi, selon Mediapart, « le député prend régulièrement position sur des faits divers relayés par la fachosphère stigmatisant les étrangers ». En août 2023, il réagit avec sarcasme à une vidéo montrant des réfugiés dormant dans le couloir du métro à Paris. Il écrit « Notre chance pour la France ».

Une autre publication du député a fait polémique en avril 2022. Jorys Bovet publie un tweet sur son compte X dans lequel il exprime le souhait que les entreprises françaises puissent continuer à être présentes en Russie, en dépit de l’invasion russe en Ukraine.

On peut voir sur cette photo une capture d’écran du compte X de Jorys Bovet où celui-ci publie un tweet dans lequel il exprime le souhait que les entreprises françaises puissent continuer à être présentes en Russie, en dépit de l'invasion en Ukraine.
Capture d’écran du compte X de Jorys Bovet – @JorysB3. Crédit : Clémence Raoult

Des priorités à réaffirmer sur son territoire

En 2022, Jorys Bovet affirmait, lors de sa campagne électorale, vouloir faire ses priorités de la santé, la sécurité, les transports et le pouvoir d’achat. Des sujets qu’il n’aura pas eu le temps de traiter lors des 18 mois de son premier mandat, que le parlementaire jugera « enrichissant personnellement », mais « écourté ». Dans La Montagne toujours, il affirmera néanmoins avoir « débloqué des dossiers importants ». « Beaucoup de gens m’ont demandé de l’aide, j’ai contacté les personnes qu’il fallait pour eux », ajoutera-t-il.

Pour son deuxième mandat, l’unique député sortant du RN en Auvergne, réélu dans une triangulaire avec 43,27 % des voix au second tour, compte bien reprendre et travailler ces thèmes locaux : les transports, « pour faire bouger les choses au niveau du train », la santé, ou encore le numérique, « car le nord de la circonscription reste impacté par des zones blanches », déclarait-il dans la Montagne lors de sa campagne. Pour cela, il peut compter sur l’aide de son suppléant Jérôme Duchalet, maire de Vaux, non encarté, pour être plus ancré sur le territoire et réaffirmer ses priorités.

Ses positions politiques

Les positions politiques de Jorys Bovet s’inscrivent en droite ligne dans l’idéologie du parti. Le député bourbonnais souhaite la suppression du droit du sol. « L’immigration, il faut qu’on arrive à la choisir, à choisir les gens qui rentrent chez nous et les gens qui ne sont pas les bienvenus », a-t-il déclaré sur RJFM. De fait, Jorys Bovet a voté, en décembre 2023, en faveur du projet de loi immigration du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

À l’inverse, le député du bassin montluçonnais a voté contre le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en octobre 2022, puis contre l’augmentation du SMIC, aujourd’hui proposé à 1600 euros nets par le Nouveau Front Populaire. « C’est une proposition qui n’est vraiment pas sérieuse. Il faut penser à l’entreprise et à l’augmentation des charges », justifie-t-il sur RJFM.

Plus récemment, en mars 2024, Jorys Bovet s’est abstenu sur l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, lors du Congrès qui se tenait à Versailles. Le lendemain, dans un post sur X, il expliquait son choix : « Il s’agit d’un vote pour garantir ce droit, ce droit, est-il menacé ? Remis en cause ? Non, comme l’a très bien dit Yaël Braun-Pivet en 2018. »

Des choix politiques qui n’en finissent pas de faire réagir. En juin 2024, le blogueur Simon Rötig reprend un constat réalisé par Mediapart en juin 2023, selon lequel le groupe RN à l’Assemblée « s’appuie sur un petit groupe d’orateurs et d’oratrices qui interviennent régulièrement » et qu’« une grande quantité de ses députés ne parlent quasiment jamais ». Il aboutit à la conclusion suivante : « M. Bovet fait clairement partie du second groupe, qui fait d’abord acte de présence et vote comme ses chefs l’ordonnent. »

Louise Héritier dresse le même constat. « Jorys Bovet ne fait que lire des petits papiers qui lui ont été donnés par son parti. Il est un petit pion dans la dynamique du RN qui est plus large », estime-t-elle.

Clémence Raoult